Les limites de notre perception

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Le spectre électromagnétique couvre les ondes radio, la lumière et les couleurs, ultraviolets et infrarouges, les rayons X et gamma.

Texte alternatif non fourni

Image #12: Le spectre électromagnétique. Contributeurs Wikipédia. « Spectre électromagnétique », Wikipédia, janvier 2021. https://fr.wikipedia.org/wiki/Spectre_électromagnétique?oldid=178841847

Notre corps a la capacité de recevoir des ondes électromagnétiques dans certaines bandes spécifiques et restreintes par rapport à l'ensemble du spectre. Ce que notre œil est capable de percevoir se trouve dans la bande "Visible" sur l'image ci-dessus. Nous avons dû nous doter de technologies externes à notre corps pour être capable de recevoir (et d'émettre) sur d'autres bandes de fréquences. Il est tout à fait envisageable que des espèces extraterrestres aient la faculté de percevoir d'autres bandes de fréquences que notre œil, que leur perception soit étendue, ou au contraire limitée à une bande de fréquence plus restreinte ou plus éloignée de la notre, ce qui les empêcherait de lire le texte ou "voir" les images qu'on peut leur envoyer. La taille du texte est également à prendre en compte : nous-même, humains, avons parfois besoin d'un texte plus grand pour être lu plus confortablement.

La perception est d'ailleurs une faculté qui doit encore faire l'objet de recherches poussées, car toutes les espèces, même sur Terre, ne perçoivent pas le monde de la même façon que les humains. Nous supposons que nous sommes capables de percevoir plus, davantage que les autres espèces, mais en réalité, malgré l'usage de technologies, il y a beaucoup de choses que nous ne percevons pas, alors que certains Animaux le peuvent. Jusqu'à ce qu'on soit capable (ou qu'on ait eut l'idée) d'analyser le spectre sonore dans les ultrasons, on ignorait que la chauve-souris utilisait ces fréquences pour se déplacer dans l'obscurité ; ce n'est qu'en 1938 que Donald Griffin (1915 - 2003) a pu prouver l'usage des ultrasons par les chauve-souris1 - il a ensuite étendu ses recherches à d'autres Animaux, notamment les baleines et les oiseaux, et a prouvé l'étendu des usages qu'ils en faisaient, qui ne se limitaient pas au déplacement mais également à la détection de proies et à la communication.

À l'opposé du spectre sonore, tant que nous ne pouvions pas analyser les très basses fréquences, nous ignorions que les baleines et les éléphants utilisaient les infrasons pour communiquer sur de longues distances. Des fréquences inaudibles pour l'Homme, pourtant utilisées fréquemment par les Animaux. C'est d'ailleurs peut-être parce qu'ils sont capables de percevoir les infrasons qu'ils réagissent plus tôt que nous lors de séismes ou d'éruptions volcaniques qui produisent ce type de sons. Il faut donc considérer que d'autres espèces que nous fassent usage, même sans technologie, de méthodes de communications différentes des nôtres, et qu'elles puissent percevoir le monde différemment de nous. Nous resterons une espèce primitive tant que nous n'en serons pas capables, ce qui peut prendre du temps compte tenu des possibilités virtuellement infinies offertes par la Vie à ce sujet.

J'ai parlé des perceptions visuelles et auditives parce que ce sont celles qui nous paraissent les plus importantes. En effet, nous disposons de palliatifs en cas de perte de la vue ou de l'ouïe, même si ces palliatifs sont imparfaits. Nous ne disposons, en revanche, d'aucune alternative en cas de perte de l'odorat, du goût ou du toucher, parce que nous n'utilisons pas ces sens pour communiquer entre humains. Ils sont pratiquement considérés comme relevant "du luxe", ou comme vaguement utiles. Peut-être est-ce lié à la religion, en particulier aux péchés capitaux (la gourmandise ou la luxure), ou tout simplement à la culture considérée localement. Si, pour nous "occidentaux chrétiens", le sens de l'odorat n'intervient pas dans nos communications, il est pourtant au cœur de certains comportements dans d'autres sociétés :

Dans la société saharienne de Merzouga (Sud-Est marocain), la présence d'homme et de femme dans un espace donné détermine des comportements d'évitements qui sont sous-tendus par la capacité de chacun à émettre des signes, plus ou moins directs, de sa propre présence. Hommes et femmes communiquent souvent sans avoir recours au langage oral jugé mal adapté aux règles de la pudeur. Ainsi, les rencontres donnent lieu à des manifestations sensorielles discrètes (odorantes et sonores). --- Marie-Luce Gélard. « Anthropen », 2017. https://www.anthropen.org/voir/Sens

On doit encore à Aristote la désignation et la description de nos cinq sens dans la deuxième partie de son œuvre De l'Âme2, où il met déjà l'Animal et l'Homme sur un pied d'égalité, au moins en ce qui concerne le sens du toucher, même s'il les fait diverger sur ce qu'il appelle le sens commun et l'imagination. Mais le Règne Animal ne nous renseigne que depuis quelques années seulement sur de multiples sens dont l'Humain ne peut pas faire usage.

L’électro-perception, par exemple, est probablement l'un des sens les plus connus, bien que l'Humain en soit dénué. Il permet de percevoir un champ électrique. Traditionnellement, on fait la démonstration d'un champ électrique en frottant un ballon (donc que l'on charge électriquement) puis en l'approchant des cheveux, qui sont alors attirés par lui. Certains poissons comme les requins sont doté de ce sens. Melinda Modrell de l'Université de Cambridge a d'ailleurs prouvé depuis 2011 que l'ancêtre commun à tous les vertébrés (y compris Homo sapiens, donc) était doté de cette capacité3.

Un autre sens dont l'Homme est privé mais qui est relativement bien connu dans le Règne Animal est la magnétoception, c'est-à-dire la perception de champ magnétique et/ou de ses variations, observée notamment chez les oiseaux et les baleines, dont ils se servent pour s'orienter lors de leurs migrations. D'autres sens peuvent encore être cités (comme la thermoception, la perception de la température), et d'autres encore sont peut-être à découvrir et explorer: les phéromones et les ectomones (regroupées sous le terme de sémiochimique) sont, après tout, un moyen de communication répandus sur Terre, utilisé tant par les Animaux que les Végétaux...

Nous devrons probablement étudier plus amplement ces différents moyens de percevoir et d'interagir avec l'environnement avant d'envisager la possibilité d'une communication universelle. En attendant, nos moyens de communications actuels, même spécifiques à notre espèce, nécessitent d'être améliorés, de même que nos rapports aux autres, peu importe l'espèce.


  1. G. W. Pierce et Donald R. Griffin. « Experimental Determination of Supersonic Notes Emitted by Bats », Journal of Mammalogy 19, nᵒ 4 (1938) : 454‑55. https://doi.org/10.2307/1374231 

  2. R. D. Hicks, Aristotle De Anima (Cambridge University Press, 1907). http://archive.org/details/aristotledeanima005947mbp 

  3. Melinda S. Modrell et al. « Electrosensory ampullary organs are derived from lateral line placodes in bony fishes », Nature Communications 2, nᵒ 1 (octobre 2011) : 496. https://doi.org/10.1038/ncomms1502 

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